Marque, storytelling, éthique et réalité

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Marques et storytelling : attention au retour de bâton

L’exemple Dior

Il était une fois une marque de luxe qui avait mis tous les moyens pour pondre un court-métrage très léché (campagne 360°, 2011). On se dit, chouette, c’est beau, ils ont bien fait les choses quand même, enfin surtout l’agence qui a créé et réussi une jolie stratégie sur un plan marketing.
Et Dior est toujours une belle marque de luxe…

Mais voilà qu’aujourd’hui, et même si l’on s’en doutait, sort cette information, via Greenpeace : il y aurait des composants toxiques dans les vêtements de marques de luxe.
En fait, cette information n’est pas nouvelle, et déjà en 2011, la question se posait.

Entre nous, il paraît évident que cet état de fait est valable pour toutes les marques, car à moins de vivre tout nu avec un pagne en lin bio, on ne voit pas bien comment échapper, à un moment donné, à cette chimie liée aux dérives productivistes. Le pire d’ailleurs est peut-être dans les sous-vêtements teints ou blanchis et reblanchis.

Bref, concernant la maison Dior, la démarche ici est de faire rêver – luxe et glamour obligent – alors qu’elle connaît forcément l’envers du décor, pouvant croiser des produits dangereux pour la santé. Vous allez me dire que c’est le jeu. Marketing d’abord.

Mais il se trouve que l’actrice engagée pour incarner le personnage glamour dans cette vidéo (« The Lady Noire Affair ») n’est autre que Marion Cotillard, qui s’affiche par ailleurs depuis pas mal de temps aux côtés de Pierre Rabhi ou de tout autre personne ou cause soucieuse d’écologie…

Il ne s’agit pas de remettre en doute ses velléités de protéger l’environnement (donc la santé de la planète et la nôtre), au contraire. Néanmoins comment une citoyenne ayant accès à l’information, et soi-disant touchée par la cause écologique, n’a pas « gratté » plus avant la matière de ce qu’elle portait pour cette campagne ?

Il m’est arrivé de l’entendre dire qu’elle mangeait bio. Ok, mais moi aussi, et je peux vous assurer que les personnes dans ce cas ont tendance à rechercher la traçabilité de tout ce qui les entoure, objets compris… On se pose des questions.

Comble de l’ironie – en 2013, l’actrice se dit engagée auprès de Greenpeace… Cela s’appelle se retrouver joliment en porte-à-faux.

Bref, en dehors de cette anecdote qui vient ajouter du piment, la morale de l’histoire est qu’une marque, quelle qu’elle soit, ferait bien d’être au clair avec ses actes et sa production, avant de faire rêver avec ce que l’on peut appeler des bombes à retardement (à savoir la nature du tissu transformé et porté au final par des femmes et des hommes à la confiance aveugle), ou encore les composants de parfum et cosmétiques de cette même maison (après tout, sont-ils certifiés bio) ? Ceci est bien sûr valable pour les autres marques.

Pour l’image de cette marque de luxe, c’est évidemment un mauvais petit moment à passer. Une image un peu ternie par la réalité tout simplement.

Cela me fait penser aux étalages de fruits et légumes dans les supermarchés où tout est lisse, propre, brillant, bien rangé, pour paraître beau, et être attractif.

Paradoxe de notre société : si c’est « moche », la plupart des gens n’achète pas, même si c’est sans pesticides et donc meilleur pour la santé. La plupart vont (encore) acheter les « belles » pommes sans défaut et calibrées, sans se soucier du taux de fongicides qu’elles recèlent. Cela m’a toujours étonnée de faire passer le visuel avant la santé.

Vous allez me dire : oui, mais on ne peut pas comparer en termes de qualité (et évidemment en termes d’image glamour). Certes, Dior est synonyme a priori de qualité. Mais jusqu’où va cette notion ? Où plutôt, où s’arrête-t-elle ? Car selon l’angle d’appréhension des choses, un tissu, aussi bien coupé soit-il, subit aussi des transformations. 

Aujourd’hui, on veut la vérité dans n’importe quel domaine. Mais est-ce que toutes les marques sont prêtes à tricoter des pulls en coton provenant de cultures non traitées ? Le choix est malheureusement assez vite fait en matière de business, car oui, l’industrie du luxe est, comme le reste, un business.

C’est beau le rêve.

Pour redorer son blason, la marque Dior aura-t-elle du fil à retordre (sans jeu de mots) ? Rien n’est moins sûr, car une info chasse l’autre.

Clin d’œil : une autre approche de storytelling aurait été de filmer toute la création d’un vêtement, pour raconter son histoire, depuis son croquis jusqu’au défilé…
Ah ! mais non, impossible, car on devrait alors sauter une étape du process, enfin si ce qu’avance Greenpeace s’avère.

On lit aussi qu’en réponse, les maisons de luxe citées se disent respectueuses de l’environnement. À leur décharge, on peut aisément imaginer que oui, tant les normes en question dans ce domaine sont ridicules. Il n’est donc pas forcément difficile d’atteindre les « standard d’exigence », sans se poser de question puisqu’on rentre dans les clous…
Mais est-ce suffisant ?

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