Le récit, notre plus fidèle ami

Le récit est le propre de l’Homme, être vivant doté de conscience, de vision, de relation au monde, de mémoire, de curiosité. La fonction étant facilité par le langage.

Vous n’entendrez jamais une tortue vous raconter son expédition dans le potager du voisin où elle a passé la journée à se taper une orgie de salade. Nous pouvons seulement l’envisager, l’imaginer, la faire parler sous couvert d’anthropomorphisme. (Cela n’enlève rien à la sensibilité des animaux, pareillement traversés d’émotions.)

Ce qui nous caractérise principalement est le fait de savoir. Nous savons que nous savons, et sommes également conscients très tôt de notre finitude. Notre vie est une addition de moments remplis d’événements plus ou moins importants, plus ou moins difficiles ou heureux. C’est ce qui peu à peu, constitue notre histoire.

Le plus souvent névrosé, angoissé, l’individu ressent en permanence le besoin de se rassurer, de ressentir du plaisir, de rêver. Ayant besoin aussi parfois de comprendre le monde dans lequel il évolue. Il doute recherche des réponses.

Zoom sur la fonction du récit

Quelle que soit sa forme, le récit apparaît depuis toujours comme la transcription d’une réalité dont on sait qu’elle peut nous échapper.

L’histoire peut être totalement imaginée (une réalité imaginaire n’est pas un oxymore, l’art cinématograhique en est le plus représentatif) faisant référence à des réalités et des sentiments qui nous touchent. Elle peut être aussi la narration d’une aventure véridique.

Le récit est la mise en forme d’une histoire. C’est souvent aussi une mise en abîme de nos vies. Ce besoin qu’on a d’entendre, de lire, de voir, de dire ou d’écrire, de jouer avec nos émotions est ce qui unit tous les êtres. Il existe un besoin lié à l’idée d’exister. Et un besoin souvent de reconnaissance. C’est la raison pour laquelle sans doute l’on assiste à une multiplication de récits de vie, d’autobiographies.

Partager, témoigner, raconter ce que l’on a vécu pour aller mieux soi-même et/ou pour aider les autres. Ces personnes ressentent le besoin de « laisser une trace ». Certes, si l’on n’est pas aussi détaché qu’un bouddhiste, on peut avoir envie de crier sur les toits l’histoire de sa vie – d’autant que chaque vie est unique, ce qui apporte forcément un minimum d’intérêt potentiel au futur lecteur.

Outre le fait de flater un ego, il est évident que le récit est le reflet d’un besoin d’histoire. Les causes peuvent être différentes. Se divertir, apprendre, comprendre, oublier, découvrir un exemple qui pourra nourrir une volonté (il l’a fait, pourquoi pas moi), se rassurer. On structure des idées, un passé, un présent. On se projette. On rêve…

Nous avons besoin de nous construire en permanence. Tiraillés entre notre désir de rester enfant et l’idée de la fin qui nous attend – ce qui se traduit par une hâte à vouloir vivre fort et vite –, nous tentons de comprendre le sens de nos vies. Et cela se traduit à travers tout ce qu’un récit peut véhiculer.

Effet miroir ou projection, simulation aussi, démonstration ou interrogation (que ferais-je, moi, dans cette situation ?), le récit entretient l’équilibre entre questionnement et rassurement. Il peut également être source de comparaison.

Pourquoi le récit est notre meilleur ami

Le rêve est un moteur important. Mais un récit peut aussi déclencher une réflexion plus profonde. Il peut jouer le rôle d’analyse. On parle d’ailleurs de récit thérapeutique. Alors bien sûr, celui-ci peut prendre différentes formes, la plus répandue étant la littérature suivie de près par les films. Une histoire narrée – un storytelling –, permet d’explorer ses propres terrains psychologiques.

Sous une autre forme d’expression, un peintre (ou un décorateur), peut très bien exécuter une fresque pour raconter quelque chose. Les techniques artistiques employées pour faire passer un message ou pour divertir, questionner, faire rêver, etc., sont très variées et chacun peut y trouver son bonheur.

Il est fidèle à ce que l’on attend de lui : qu’il nous bouscule ou qu’il nous rassure, qu’il nous chavire ou qu’il nous indique un chemin. Et surtout qu’il ne nous laisse pas indifférent.

Le plus puissant vecteur de nos jours reste le cinéma. Le « film », la vidéo en général magnifie des histoires sous forme de courts ou longs métrages, de séries, de téléfilms, de documentaires, de reportages… Les festivals de cinéma ou d’animation – à l’instar des salons du livre – sont toujours plus nombreux. Pour certains cela répond à une soif de se divertir, pour d’autres à une soif de se cultiver.


Bien sûr, l’interprétation que l’on fera d’un récit dépend de chacun. Et c’est ce qui est intéressant. Cela étant, rien à faire, le fil rouge qui relie nos réactions reste vraiment le phénomène de l’émotion.

Les émotions connues qui caractérisent notre état sont quasiment toujours au centre du développement d’un récit. Et pour cause, on voit défiler sous nos yeux des réactions et autres traductions de sentiments au travers de héros de toutes sortes auxquels on a souvent tôt fait de s’identifier. Parce qu’on aime ça.

S’il l’on devait donner un seul qualificatif à la notion de récit, ce serait sans doute projection.

Le récit nous aide à vivre, et en cela, on peut le considérer comme un allié précieux, un ami fidèle.

En dehors de cette petite réflexion tout à fait banale, on voit bien que l’idée de se servir du storytelling en communication est un avantage sans précédent.

Pour aller plus loin, j’ai trouvé un texte intéressant qui peut permettre à chacun de voir midi à sa porte. Il s’intitule « Pour une conception non utilitariste du storytelling » : https://journals.openedition.org/itineraires/2654

Petit point : dans son texte, François Dingremont écrit « storytelling » en italique. Il a raison, car il s’agit en réalité d’un mot étranger. Et la règle en français veut que les mots étrangers, qui n’apparaissent pas dans le dictionnaire, soient mis en italique.
Le terme est tellement utilisé de nos jours dans nos métiers du moins, que la paresse sans doute, la paresse sûrement, délaisse cette règle – qui apparaît toujours un peu puriste aux yeux du grand public d’ailleurs. Lorsque j’ai utilisé ce terme de storytelling dans mon activité, j’ai commencé par le mettre en italique, mais il est devenu au fil du temps, je l’avoue, plus pratique de le taper directement en romain… Cela dit, peut-être entrera-t-il dans le dictionnaire officiel du français un de ces jours ?

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