Storytelling : l’émotion a toujours été le moteur de l’histoire

Ce week-end de joli mois de mai, j’ai vu passer sur le Journal du Net un article intitulé Le storytelling est mort, vive l’emotional writing.

Je ne parlerai pas du style sur le plan de la forme, cela ne regarde que son auteur. J’ai simplement envie de dire ce que je pense du fond pour remettre les points sur les i.

J’ai donc lu jusqu’au bout ce billet, intriguée par son titre : si certains paragraphes mettent d’accord quitte à enfoncer des portes ouvertes, comme par exemple le fait que le storytelling existe depuis fort longtemps, en revanche, affirmer qu’il serait mort parce que dorénavant remplacé par, je cite, de « l’emotional writing », il y a effectivement là matière à sourire.
J’écris « effectivement » parce que sur Twitter notamment, beaucoup ont réagi comme je l’ai fait, trouvant cela ridicule. Certains commentaires laissés en fin dudit billet parlent également d’eux-mêmes ; à ce sujet, je partage l’humour de Stéphane Dangel.

Pourquoi c’est du n’importe quoi

Tout simplement parce que la technique du storytelling – dont le but en marketing est de vendre quelque chose (image, service, produit) – repose sur la narration sous forme d’histoire composée d’éléments vecteurs d’émotion, lesquels constituent depuis toujours la base même d’une histoire racontée (storytelling). On parle aussi de communication émotionnelle pour dire la même chose.

Le storytelling traditionnel, quant à lui (cinéma, littérature, théâtre, conte oral) repose également sur un partage émotionnel…

En français, emotional writing se traduit par « écriture émotionnelle » (ou rédaction émotionnelle). Par conséquent, parler de « storytelling » ou d’ « emotional writing » revient… exactement au même, la rédaction narrative étant par principe fondée sur l’émotion.

Faut-il rappeler que le but même de la démarche de storytelling est de transmettre un message en touchant l’affect ? C’est le fil rouge qui rend possible le partage depuis la nuit des temps. C’est l’essence même de cette approche : l’emotional writing est la base du storytelling !

Emotional writing : un pléonasme

Au-delà de cette précision, la formule même d’ « emotional writing » telle qu’elle est présentée ici comme un nouveau concept, est également un pur pléonasme puisque l’acte d’écrire est naturellement transcendé par l’émotion…

Concernant cette énième « nouvelle » formule, Christian Salmon a commenté cela en parlant de concept creux. J’irais plus loin : pour moi, il n’y a tout simplement pas de concept.

L’émotion est un état, un ressenti, un sentiment, mais certainement pas un concept dont la définition est « représentation mentale abstraite d’une idée conçue par l’esprit« .

Vouloir à tout prix détrôner une technique par une formule dont on ne discerne pas bien la définition innovante et la réalité pertinente, relève ou bien d’une certaine forme d’ignorance ou bien d’une envie d’exister à tout prix professionnellement (imho). Mais après tout, chacun a le droit de voir midi à sa porte…

« Partir de l’émotion pour ne plus vendre, mais véhiculer un état d’esprit, un caractère, une sensibilité. L’Emotional Writing c’est se servir du vecteur de l’écriture pour atteindre le cœur, alors qu’on avait tendance à atteindre la tête, on pensera moins on vivra une émotion distillée par une marque… » (sic).

Les professionnels du storytelling apprécieront, nonobstant le fait que « atteindre la tête » n’est pas forcément une formule heureuse (même pour Guillaume Tell qui ciblait la pomme.). Atteindre le cerveau peut-être…

Le storytelling n’a rien à voir avec l’objectif de réflexion ; il est fait pour véhiculer des émotions dans le but de provoquer une action. Cela dit (et parce que tout est subjectif), les émotions passent par le cerveau.

Même physiquement, lorsque vous avez mal, c’est parce que votre cerveau ressent la douleur que vous savez que vous avez mal. Alors que lorsque vous ne savez pas encore que vous avez une plaie ouverte, vous ne ressentez rien au début ; mais dès que vous la voyez et que l’information arrive aux connections neuronales de votre cortex cérébral, alors là, vous pouvez hurler de douleur…

Bref, utiliser l’émotion pour véhiculer un état d’esprit, d’accord, mais la démarche est toujours sous-tendue par un objectif d’adhésion dont la finalité est de transmettre ou de vendre quelque chose, ou au moins de déclencher un sentiment amenant à une réaction (sinon, à quoi bon communiquer).

Par ailleurs, d’un point de vue général, et comme je l’ai déjà évoqué, le fait d’écrire est un déjà un acte émotionnel. Si, en revanche, l’on souhaite toucher la réflexion, faire débat, alors on peut se tourner vers l’écriture d’un essai philosophique qui est une autre forme de communication.

Mais ici, dans le contexte qui nous intéresse, se servir du l’outil écriture pour atteindre « le cœur » a toujours été d’actualité : cela s’appelle le storytelling. 😉

Lire aussi Émotion ou réflexion : privilégier le sens.

Un autre texte que tous les étudiants en marketing devraient lire jusqu’au bout !

(Source image.)

Une réflexion sur “Storytelling : l’émotion a toujours été le moteur de l’histoire

  1. catherine maury Mai 26, 2013 / 3:21

    très bien dit! très bonnes définitions…merci !

    J’aime

Laisser un commentaire