Le storytelling et la question du sens

PointC’est bien gentil de parler de storytelling à tout bout de champ, mais voyons un peu quelle est la quintessence de cette technique dont l’avantage n’est plus à prouver.

La « quête » de sens

Rassembler de la matière, c’est primordial. Y voir du sens, c’est mieux. La première démarche du storyteller est d’aller chercher le sens là où il se trouve, pour s’en servir ensuite. Mais justement, va-t-il en trouver ? En réalité, on ne fait peut-être plus l’effort de le chercher.

Car, oui, en cherchant bien, on trouve toujours du sens… Par une lecture attentive et une analyse holistique des données, un esprit ouvert et en veille peut trouver de quoi rebondir. Pour peu que l’on ait un minimum de références culturelles, d’intuition, de psychologie naturelle, il est possible de raccrocher des wagons, de créer un fil rouge, de partir dans des métaphores et de construire une histoire cohérente, qui tienne debout.

Au fond, le storytelling, c’est raconter la vie. Qui peut dire que la vie n’a pas de sens ? (Nous touchons ici à la philosophie, discipline avec laquelle un bon storyteller doit aussi savoir composer.)

Actuellement, les acteurs de ce métier ont tendance à attendre que le sens leur saute aux yeux, sans effort ; on ne se met plus en quête. Ne le cherchant pas, on ne le voit pas. Du coup, on pense qu’il faut en créer… C’est systématique. Je lis ici ou là des réflexions, des articles, qui répètent, concernant l’art du storytelling, qu’il faut « créer du sens ».

Permettez-moi de tiquer, notamment sur le choix de ce verbe car c’est plus subtil que cela. En effet, il ne s’agit pas de créer du sens (create meaning), mais de dégager celui qui existe pour le rendre visible et le mettre en valeur.

Le sens est partout

Car, je le répète, le sens est partout ! Il s’agit de le réactiver, de le canaliser pour mieux le transmettre. Alors que le verbe « créer » renvoie à une fabrication de toutes pièces, comme si l’on produisait à base de rien ; que l’on mente en quelque sorte…

Or, attention à l’ambiguité du sens des mots : autant en littérature, l’écriture d’un conte fait appel à l’imaginaire de son auteur, lequel a toute liberté d’inventer, autant en communication, la narration doit se baser sur des faits réels, qu’elle va imager. Bien communiquer n’est pas tromper.

Certains diront que je joue sur les mots. Mais c’est justement là tout l’enjeu : le pouvoir des mots. Devoir créer du sens signifierait qu’il n’y en a pas au départ… Être créatif oui, mais sur la construction de la narration, la formulation, l’équilibre, le style, la « couleur ».

Faire vivre une idée, un fait, demande de démarrer par le sens et de s’en servir, un peu comme un trampoline avec lequel on va réaliser de belles figures qui vont impressionner les spectateurs. On part du sens. Par conséquent on n’a pas à le créer.

Le récit qui va prendre forme sera d’autant plus fort qu’il reposera sur du sens, son outil premier. Et non pas l’inverse c’est-à-dire créer du sens à partir d’une histoire ou d’un fait, ce qui, pour le coup, n’aurait pas de sens… C’est parce que la matière de base a un sens que l’on peut bâtir une histoire.

L’objectif d’une approche narrative est justement de raconter des histoires qui vont faire le lien entre des événements (lesquels ont déjà du sens).

Du sens, pourquoi faire

Regardons maintenant, la raison d’être du sens. Pourquoi une histoire doit-elle absolument en véhiculer ? Tout simplement parce que vide de sens, elle n’aurait aucun intérêt ! Le sens interpelle nos sens.

Qui plus est, tout le monde a besoin de sens, pour comprendre, pour se situer, pour ressentir son existence et/ou justifier l’utilité de celle-ci. Certains diront « pour ne pas devenir fou ».

En marketing, la finalité d’un récit est de provoquer un impact émotionnel… Le lien universel qui unit tous les habitants de cette planète est précisément l’émotion. Quel que soit le public visé, la capacité émotive est présente.

Les humains sont en permanence – consciemment ou inconsciemment – en quête de sens et en recherche d’émotion. Ils aiment qu’on parlent d’eux, qu’on les fasse rêver. Et des idées portées par une histoire bien construite vont les mettre en état d’alerte.

La narration que permet la technique du storytelling présente une efficacité bien supérieure en termes de communication que les pratiques traditionnelles. Parce que l’émotion l’emporte sur la raison.

Or, et c’est là toute la subtilité de la chose : l’activation du phénomène « émotion » est stimulée aussi par le sens ressenti intuitivement ou clairement par le lecteur ou l’auditeur, qui va alors adhérer au sens, surtout si ce dernier est joliment amené.
« Ça me parle » est une formule consacrée. Et si ça lui parle, il va ressentir de l’empathie. Cette empathie a toutes les chances de provoquer l’adhésion…

Ainsi se peut-il que la quintessence du storytelling réside dans l’émotion, sentiment qui naît grâce au sens véhiculé…

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